Méthodologie de traduction

Les clients de services linguistiques cherchent toujours à obtenir la meilleure traduction pour le meilleur prix. Ce qui est bien normal. En l’absence de possibilités de juger des qualités linguistiques du prestataire, un des éléments pour différencier les offres est le processus de traduction. Si les agences mettent souvent en avant leur méthodologie, à l’appui de normes ISO. Celles-ci finissent toujours par se ressembler à cause justement de ces normes. Les choses sont cependant un peu plus complexes quand on s’intéresse non plus à une agence, mais au traducteur lui-même. En effet, s’il y a autant de traductions que de traducteur, chacun y va également de sa méthode et peu nombreux sont ceux qui la décrivent. Voici la méthode que j’emploie quand je suis face à un nouveau texte.

Processus et agences de traduction

Les agences mettent très souvent en avant leur méthode de traduction et autres flux avec les normes ISO qui les accompagnent. Mais, contrairement à ce que l’agence vous laissera entendre, cette mise en avant n’est pas un véritable facteur de différenciation avec la concurrence. Il est en effet fort à parier que le voisin a exactement les mêmes qualifications. D’ailleurs s’il ne possède pas ces fameux sésames que sont les normes ISO 17100 et ISO 9001, il est plus que probable qu’ils appliquent les mêmes procédés.

En fait, les processus de traduction ne sont pas si nombreux et disparates qu’on nous laisse l’entendre, avec quelques variantes ici et là, cela se limite généralement à 3 offres :

  • Traduction seule
  • Traduction -> Relecture
  • Traduction -> Édition -> Relecture

Nous avons donc 3 niveaux de prestations que les agences peuvent proposer, qu’ils disposent des normes ou non. En effet, ce n’est pas parce qu’une agence a la certification ISO qu’elle ne peut pas vous proposer un processus de traduction seule, de même rien ne garantit que la relecture (aussi appelé QA, QC ou contrôle qualité) ne sera pas effectuée par le chef de projet ce qui est en définitive souvent le cas. Dans tous les cas, ces étapes doivent être réalisées par des personnes différentes, si possible qualifiées. Je dis « personnes différentes », mais je devrais évoquer également la machine, car dans un processus de post-édition, c’est bien la machine qui remplace purement et simplement le traducteur. Cela ne dénature en rien le processus employé.

Finalement, si la méthodologie n’est pas un véritable facteur différenciant entre agences, elle l’est bien entre agences et traducteurs indépendants. Ces derniers étant par définition seuls, ils ne peuvent pas effectuer toutes les étapes. Mais rien n’empêche le client d’utiliser plusieurs indépendants pour effectuer toutes les étapes (c’est ce que font les agences) ou mieux : de demander directement au traducteur s’il a des collègues avec qui il pourrait travailler.

Côté traducteurs indépendants

C’est pour ça que les traducteurs indépendants ne parlent pas de méthode. Ils travaillent seuls et ne peuvent donc pas proposer autre chose qu’une traduction. Pourtant la méthode employée par le traducteur sur son texte est également très intéressante et un facteur déterminant de qualité. Si les méthodes sont propres à chacun, loin de moi l’idée qu’une méthode soit meilleure qu’une autre. Je suis fermement convaincu que chacun doit trouver celle qui lui convient le mieux.

Je n’ai pas vocation à exposer la méthode idéale. Je veux simplement présenter celle que j’utilise le plus souvent, de manière consciente ou non.

Lecture générale

Je débute toujours par une lecture générale du texte. Cela peut paraître évident, mais dans la précipitation on peut facilement oublier de lire le texte. Avec un devis à retourner très vite on a facilement tendance à importer le texte dans notre outil de TAO et s’arrêter là. On vérifie en diagonal que tout est traduisible, on regarde les statistiques et on oubli de lire le texte. Cette lecture me semble pourtant indispensable. Cela permet de prendre connaissance du sujet traité et d’anticiper certains problèmes. Avoir une idée des recherches nécessaires et voir mille autres petits détails qui permettront ensuite de gagner du temps. C’est aussi là que peuvent survenir les premières questions que le client pourra éventuellement éclaircir.

TAO et analyse

Ce n’est qu’après cette première lecture que j’importe mon texte au sein de mes outils de TAO. J’ai déjà évoqué les outils du traducteur dans un précédent article, je ne m’étalerai donc pas sur le sujet. Mais, c’est également l’occasion de voir si l’ensemble du texte est bien importé ; si la segmentation est correcte et éventuellement de faire jouer la traduction automatique et les mémoires de traduction.

Concernant les mémoires de traduction, il existe différentes façons de gérer cet aspect. C’est un point que j’évoquerai plus longuement dans un article consacré. Pour ma part, j’ajoute toujours 2 ou 3 mémoires :

  • La mémoire fournie par le client, si elle existe ;
  • Ma mémoire historique avec ce client. Je lui applique généralement une pénalité de 1% (permettant d’éviter les perfect/context match et autres 101% match) ;
  • Ma mémoire dans le domaine du texte. J’applique ici une pénalité de 2% (comme ça les 100% match sont inexistants)

Les pénalités appliquées sur ces mémoires ont pour but d’éviter de passer trop rapidement sur des segments dans le nouveau contexte. Elles servent aussi à attirer mon attention sur certains points. Mais, je développerai cela dans l’article consacré aux mémoires.

Traduction rapide

C’est ici que commencent les choses sérieuses. J’effectue une première traduction rapide au sein de mon outil de TAO. Par traduction rapide, j’entends : une traduction correcte, mais sans recherche détaillée. L’outil de TAO a cette possibilité de donner des statuts aux segments. Je profite de cela pour valider les segments dont je suis pleinement sûr et laisser en brouillon ceux sur lesquels j’ai un doute ou je devrai revenir plus tard. C’est également le moment où j’incorpore des commentaires sur les segments. Que ce soit pour des informations à remonter au client (coquilles dans le texte source par exemple) ou pour moi-même lors de mes recherches.

Traduction poussée

Une fois ma première traduction rapide effectuée, j’entame une seconde traduction. Au fil d’une relecture complète, je vais repasser plus attentivement sur chaque segment laissé en attente et sur mes commentaires. C’est le moment où je vais perdre 30 minutes sur le mot qui me chagrine en faisant des recherches poussées. Je pourrais parfaitement inclure cette étape dans ma première traduction, mais je préfère les dissocier. Cela me permet de mieux gérer mon temps et d’avoir l’esprit tranquille quand je « perds » une heure à chercher des informations.

En relisant les phrases déjà validées, cela me permet aussi de mieux voir l’enchaînement logique de celles-ci. Je procède donc parfois à des modifications de style ou de tournures à cette étape.

Relecture avec les outils

Comme tout le monde, en écrivant vite, en reformulant à de nombreuses reprises et changeant des éléments de-ci de-là, je fais des fautes. D’où l’importance de la relecture.

J’effectue une première relecture attentive au sein de l’outil de TAO. Je profite des fonctionnalités avancées en termes de QA ou autres processus automatiques.

Je génère ensuite mon texte cible au bon format et j’effectue une seconde relecture. Celle-ci est effectuée par moi-même et en utilisant un correcteur orthographique externe, type Antidote, qui apporte beaucoup d’informations.

Lecture à voix haute

Normalement, mon texte est déjà prêt, mais j’aime m’assurer de la fluidité de celui-ci. Un des meilleurs moyens que j’ai trouvés jusqu’à présent est de le lire à voix haute. J’essaie de profiter des moments où madame est absente pour le faire. Elle a ainsi moins de doutes sur la santé mentale de son mari et surtout, je n’enfreins ainsi pas de règle de confidentialité.

Mise en page

Dernière étape de mon flux de traduction : la mise en page. Que je travaille avec un document, que ce soit un simple Word ou un fichier de mise en page InDesign, il est impératif que le client retrouve ce qu’il a fourni. Les passages en gras, surlignés, soulignés et les espaces prévus pour les textes doivent être retrouvés dans la traduction. Il n’y a rien de plus frustrant pour un client que de devoir refaire la mise en page de son document. Comment pourrait-il savoir quels mots doivent être en gras dans la phrase alors qu’il ne maîtrise pas la langue ? Le taux de foisonnement quand on passe de l’anglais au français peut également faire sortir les textes des cases prévues. C’est le cas régulièrement dans les fichiers PowerPoint et InDesign. Ce sont tous ces petits points que je règle avant de livrer mon document.

Une méthode parmi d’autres

C’est donc ma méthode de travail. Elle se vaut et n’est pas forcément meilleure qu’une autre. Elle est d’ailleurs relativement chronophage étant donné le nombre de passages sur le texte. C’est pourtant celle qui me convient le mieux pour le moment.

N’hésitez pas à m’indiquer en commentaire comment vous procédez !

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